Douce Mère,

On raconte beaucoup de choses au sujet au 4 mai¹ — quelquefois on Te cite aussi. Mais je n'ai quand même pas tout à fait compris sa signification.

 

Est-il nécessaire que cela ait une signification ?

Sri Aurobindo a annoncé qu'il se passerait quelque chose à partir de cette date. Et cela s'est produit². C'est tout ce qu'il faut.

Le 21 juin 1967  

Douce Mère,

Il est dit que les vibrations de l'être, de vie en vie, développent, enrichissent et forment la personnalité psychique derrière la personnalité frontale. Alors comment le psychique, alourdi par ces vibrations et ces souvenirs, reste-t-il libre³ ?

 

Mais pourquoi dit-il "alourdi" ?

Non, il décante. C'est justement ce qui arrive, c'est que le psychique ne retient pas les choses dans leur totalité, il décante — au fur et à mesure il décante les vibrations.

Le souvenir psychique est un souvenir décanté des événements. Par exemple, dans les vies antérieures, il y a eu des moments, pour une raison quelconque, où le psychique était présent et a participé, alors il garde le souvenir, comme cela, juste d'une circonstance, mais le souvenir qu'il garde, c'est la vie psychique de ce moment ; et alors, même s'il garde le souvenir de l'image, c'est une image simplifiée, telle qu'elle se traduit dans la conscience psychique et selon la vibration psychique de tous les gens présents.

 

¹Le 4 mai 1967, c'est-à-dire la série de chiffres 4.5.67.

²Sri Aurobindo avait écrit ceci; "1.2.34 est censé être une année de manifestation, toujours. 2.3.45 est l'année du pouvoir (quand ce qui se manifeste parvient à sa pleine force). 4.5.67 est l'année de la réalisation complète." (2.2.1934)

³Mère a répondu de vive voix à cette question au cours d'une entrevue avec un autre sâdhak.  

Page 349


Il ne poserait pas une question comme cela s'il avait jamais eu un souvenir psychique, parce que, quand on l'a, c'est tout à fait évident.

Avant de savoir ces choses, j'avais eu des souvenirs psychiques qui m'avaient toujours frappée par leur caractère spécial... C'était comme si l'on avait, on ne peut pas dire exactement l'émotion, mais une certaine vibration émotive d'une circonstance. Et c'est cela qui est plein, et qui reste, qui est durable. Et alors avec cela, on a une perception un peu vague, un peu floue, des gens qui étaient là, des circonstances, des événements, et cela vous fait un souvenir psychique.

Ce n'est pas souvent les événements qui, mentalement, sont considérés comme les plus mémorables ou les plus importants dans une vie, mais les moments où le psychique a participé — participé consciemment — à l'événement. Et c'est cela qui reste.

Le 15 juillet 1967 

Douce Mère,

Tu es avec nous, toujours et à chaque moment, seulement nous n 'en sommes pas conscients. Seul le danger nous fait nous souvenir de Ta Présence afin d'être protégés. Mais l'autre jour, quand nous étions en route pour un long voyage, nous avons senti une présence de quelqu'un d'autre que nous dans l'auto, et c'était très fort, même quand nous n'étions conscients d'aucun danger. Y avait-il ce jour une possibilité de danger? En ce cas, pourquoi ne l'avons-nous pas pressenti ?

 

J'étais très fortement et consciemment avec vous parce que X m'avait écrit que les pneus de la voiture étaient en mauvais état.

Page 350


Vous n'avez pas senti le danger parce que je ne voulais pas que vous le sentiez.

Le 19 juillet 1967  

Douce Mère,

Pourquoi, dans l'Ashram même, a-t-on envie de faire des petits groupes et sociétés : par exemple, "World Union", "New Age", etc. Quelle est leur raison d'être ?

 

C'est parce que les hommes s'imaginent encore que pour faire quelque chose d'utile il faut se mettre en groupe.

C'est la caricature de l'organisation.

Le 20 septembre 1967 

Douce Mère,

Est-ce que le Divin punit l'injustice ? Est-il possible qu'il punisse jamais personne ?

16 octobre 1967

 

16 octobre 1967 - 25 juillet 1970

 

Après tant d'années, je retrouve le cahier oublié, et je réponds :

Le Divin ne voit pas les choses comme les hommes et n'a pas besoin de punir et de récompenser.

Toutes les actions portent en elles-mêmes leur fruit avec leurs conséquences.

Selon la nature de l'action, elle rapproche du Divin ou elle éloigne du Divin et cela, c'est la suprême conséquence.

Le 25 juillet 1970  

Douce Mère,

L'autre jour, j'ai eu une discussion avec X au sujet de "Sri Aurobindo's Action". Il me disait que s'il y avait eu une personne illuminée comme Vivékânanda, le travail aurait pu être mieux fait, mais Mère doit faire son travail avec les instruments qu'Elle a à sa disposition.  

Page 351


Enfin il me disait qu'il n'a pas d'opinion à ce sujet. Son métier à lui ("my business" dit-il) est d'écrire. Et il m'a demandé quel était mon "business". Je lui ai répondu : "Je ne sais pas quel est mon "business", ce que je sais, c'est que je dois me concentrer sur moi-même pour me perfectionner de plus en plus." Était-ce correct? Mère, quel est, en vérité, mon "business" ?

 

Certainement l'occupation la plus importante est de se développer et se perfectionner soi-même ; mais cela se fait très bien et même mieux en faisant un travail. C'est à toi de savoir quel est le travail qui t'intéresse le plus, celui qui ouvre devant toi un chemin vers la perfection ; il peut être très modeste en apparence, ce n'est pas l'importance apparente d'un travail qui lui donne sa valeur réelle pour le yoga.

Le 5 août 1970 

Douce Mère,

J'ai beaucoup lu et entendu parler des vies passées et futures, etc., mais je sens très fort que c'est dans cette vie même que nous devons réaliser nos plus hautes aspirations, comme si c'était la dernière chance qui nous était donnée. Les allusions aux autres vies sont pour moi intangibles et académiques plutôt qu'une aide et un espoir. Ce n'est pas que je ne crois pas à la réincarnation, mais cette pensée-là me revient à l'esprit très souvent. Mère, est-ce que c'est une étroitesse de vision de ma part ou quoi ?

 

La connaissance des vies passées est intéressante pour la connaissance de sa nature et la maîtrise de ses imperfections. Mais à vrai dire elle n'a pas une importance capitale et il est beaucoup plus important de se concentrer sur l'avenir, la conscience à acquérir et le développement de la nature,  

Page 352


qui est presque illimité pour ceux qui savent le faire.

Nous sommes à un moment spécialement favorable de l'existence universelle où, sur la terre, tout se prépare pour une nouvelle création ou plutôt pour une nouvelle manifestation dans la création éternelle.

Le 7 novembre 1970 

Douce Mère,

Lorsque Tu es physiquement atteinte, je suis toujours très attristé, je me dis que ce n'est pas une maladie ordinaire, que c'est une expérience qui mène à la transformation physique, mais lorsque je pense à Ton corps qui souffre, je suis triste. Et puis, cela ne fait-il pas partie du Sacrifice du Suprême dont parle Sri Aurobindo ? Est-ce que nous sommes dignes de ce Sacrifice ?

Douce Mère, à ce moment-là, comment devons-nous être ? Quelle est la meilleure attitude de notre part ?

 

Le mieux pour chacun est de progresser aussi sincèrement qu'il peut. Les difficultés matérielles font partie du travail de transformation et doivent être acceptées tranquillement.

Le 14 novembre 1970  

Douce Mère,

J'ai l'impression que Ta force répond selon l'intensité de notre prière. Mais mon cas semble être différent. Ou bien suis-je inconscient de mes prières ? Ou est-ce que tout se fait pour moi, pour mon bien, malgré moi?

Page 353


               C'est toujours le cas de tout le monde. La différence est dans l'état de conscience de chacun. Certains sont tout à fait conscients de ce qui est fait pour eux. Ceux qui font un effort deviennent conscients de la réponse qu'ils reçoivent, et il y a ceux dont l'aspiration est assez forte et sincère pour qu'ils soient constamment conscients de l'aide qui leur est donnée,

Le 28 novembre 1970

Page 354